lundi, juillet 04, 2005

Dans les papiers

J'ai passé aujourd'hui toute l'après-midi aux archives écrites de Radio France. Une belle et large source que ces quelques heures n'ont largement pas suffi à tarir. Entretien préalable très agréable avec celles qui gardent, classent, et rendent disponible toute cette mémoire radiophonique en papier : les dossiers de travail des émissions, les articles de presse, les correspondances... Je me suis retrouvé littéralement les deux mains dans l'histoire de L'Oreille en coin.

Gourmandise et curiosité : par quoi commencer ? Réponse : pourquoi pas par le magazine papier de L'Oreille en coin, dont une collection complète est disponible.

Robert Arnaut m'avait déjà prêté les quatre premières publications. En fait, il y a eu en tout et pour tout 7 numéros. La parution s'est arrêtée effectivement faute de lecteurs. "Moi, y'en a être très content que ce journal s'arrête", affirme Idi Amin Dada sur la couverture du numéro du 6 novembre 1976 (sur un ton très Tintin au Congo, la provoc' en plus). Dans l'édito, Jean Garretto et Pierre Codou expliquent : "Pour ne rien vous cacher, vous avez été très nombreux à vous abonner, mais pas tout à fait assez cependant pour que L'Oreille en coin Hebdo puisse survivre hors des circuits classiques de la publicité et de la vente au numéro"...

Les documents qui accompagnaient les journaux trouvés dans les archives montrent que l'équipe espérait que cette publication attendrait 31 000 exemplaires vendus (tirage d'équilibre financier selon les calculs) ! C'est à la fois beaucoup pour un journal qui ne se trouve pas dans les kiosques, et peu quand on lit sur une étude annexe qu'en 1975, 3 millions de personnes écoutaient au moins un quart d'heure d'Oreille chaque week-end.

Jusqu'au bout la parentée avec Pilote est flagrante. La mise en page, l'équilibre photos/ dessins, les titres, les "grandes gueules" de couverture signées ici Paolo Garretto... tout ça rappelle énormément les pages "actualité" de l'hebdo dirigé par Goscinny. Parentée aussi avec Charlie Hebdo quand la dernière page du dernier numéro présente "les couvertures auxquelles il aurait été dommage d'échapper".

Autre chapitre de l'histoire de l'émission, tiré un peu au hasard : les circonstances de la fin de l'émission. Pierre Bouteiller, nouveau directeur des programmes d'Inter, veut arrêter le dimanche après-midi. Jean Garretto s'y oppose, et décide de ne plus continuer le dimanche matin, malgré le succès. Jean Maheu, PDG de l'époque, cherche à ménager le fondateur de L'Oreille tout en soutenant son directeur des programmes... Tout ça se passe dans la douleur et en peu de temps, à l'été 1990. J'ai lu les lettres, les recommandés, les télégrammes. C'est un divorce.

Sinon, j'ai photocopié beaucoup d'articles autour de L'Oreille en coin du dimanche matin. Le fait d'avoir invité des hommes et femmes politiques en a fait un vrai phénomène de société dans les années 86-88 (juin 86 : la venue de Giscard est un événement). C'était la locomotive à audience de la chaîne.

Par ailleurs, je dois voir ce week-end Jacques Saint-Clair qui prenait des photos pendant une émission qui a duré plusieurs années, dans L'Oreille en coin : L'Orteil en coin.

Guy Senaux m'en avait parlé. "Toute une émission pour les jeunes, toute une classe qui venait une journée, et à chaque fois, il y avait un invité", se souvenait-il. "C'est Sophie Barouillé qui faisait L’Orteil en coin, à l'époque où Jacqueline Baudrier était avait la présidence de Radio France. Et au bout de 15 jours, Baudrier a passé un coup de fil à Jean Garretto en disant : 'C’est super, votre Orteil en coin' ! Du coup, cette émission est restée quatre ou cinq ans".

(image trouvée dans une coupure de journal,
peut-être Le Figaro, article publié pour la 400e Oreille)