dimanche, avril 24, 2005

JJMS dans L'OEC

J'avais dit que je reparlerai de François Jouffa. Il est l'un de ceux, avec Kriss, Paula Jacques et bien sûr Jean Garretto, que j'avais rencontrés début 2001, pour la préparation d'un tout premier article.

Il est arrivé en 1969 dans l'équipe de L'Oreille en coin, qui s'appelait à l'époque TSF 69. Au même moment, il travaillait pour Europe 1, dans les coulisses d'Europe-midi, pour Jacques Paoli. Double casquette Inter-Europe étonnante ! On l'obligera à choisir en 1975, après un article du Quotidien de Paris qui s'étonnait de cette ubiquité professionnelle.


Rapidement, François Jouffa forme un duo avec Simon Monceau. A l'époque, Monceau a fait quelques piges pour le Magazine de Pierre Bouteiller, sur France Inter. A part ça, il reste très novice en matière de radio. Les deux jeunes journalistes se sont connus à Bande à part, un mensuel d'actualité pour les jeunes qui a duré d'octobre 1966 à décembre 1967. Aujourd'hui, Simon Monceau présente "Ça va se savoir" sur RTL9.


Le duo à L'Oreille en coin dure plusieurs années, marquées entre autres par la réussite de l'émission Jeune jolie mais seule ("JJMS") en 1975 et 1976 (16h-18h le samedi).

Chaque semaine, une femme (jeune jolie mais seule) était invitée et venait raconter ses déboires sentimentaux, face à Monceau et Jouffa, qui jouaient l'un l'avocat, l'autre le procureur. L'émission prenait la forme d'un procès. En réalité, c'était "le procès de la solitude", explique François Jouffa en se remémorant cette émission très en phase avec l'air du temps. "Les invitées représentaient une nouvelle génération de femmes, qui bossaient et s’ennuyaient un peu, seules".

"L'invitée vient pour rencontrer des hommes, pour s’exprimer", continue François Jouffa. "Le procureur l'agresse. L’avocat la défend. Quelques témoins, famille ou amis, viennent dire ce qu’ils pensent d’elle". Et un jury, composé de quelques auditeurs, décide qu'elle est coupable ou non de solitude. Il affirme qu'elle mérite, ou pas, sa situation de célibataire. "A la fin, soit on donnait à cette jeune femme les fiches (noms, prénoms, téléphones) des gens qui ont téléphoné pendant l’émission, soit on les déchirait en direct. Vous imaginez la méchanceté au micro !"

L'émission est donc à la fois cruelle, ironique et dans l'air du temps. Un "Tournez manège" avant l'heure et version dure.

Il est arrivé que certaines candidates, malmenées par cette douche écossaise incessante, s’arrêtent et s'écroulent en pleurs. Heureusement, l'émission était enregistrée. "Il fallait alors prendre un pot avec elle, les réconforter", se rappelle François Jouffa. "Quand on a arrêté l'émission, on était épuisés. Mais on aurait dû continuer parce que ça avait un grand succès. Sociologiquement, c’était passionnant. Et parfois, des couples se formaient..."

Deux saisons pour une émission de L'Oreille en coin, c'est beaucoup. "La dramaturgie était parfaite", explique Simon Monceau aujourd'hui. Sans compter qu'entendre une fille se raconter ainsi au micro, c'était "révolutionnaire" pour l'époque. D'autant que Jouffa et Monceau savaient établir une certaine confiance avec leurs interlocutrices. "On avait avec elles une relation à la fois tendre et violente", se souvient encore Simon Monceau. "Il y avait un gentil et un méchant : il en ressortait forcément quelque chose".

A l'issue de l'émission, toute la liberté est laissée à la candidate "non-coupable" de rappeler les auditeurs. "C'était vraiment le choix de la femme".



court extrait écrit d'un JJMS

[Précisions du 30 mai 07 : en réalité, Simon Monceau faisait des piges chez Pierre Bouteiller quand celui-ci travaillait à Europe 1, station qu'il a quittée pour France Inter en 1968. Bande à Part est un mensuel qui a été fondé et dirigé par François Jouffa. Enfin, JJMS commence en janvier 1975 pour se terminer en avril 1977. JJMS où les rôles de procureur et d'avocat étaient tenus à tour de rôle par l'un et l'autre, suivant les samedis.]